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Quelle alternative philosophique et éducative au consumérisme contemporain ?

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RÉSUMÉ

Le marché est un paradigme central de l’intelligence économique contemporaine. Adopté par la plupart des États modernes, il a su opérer dans l’homme actuel une mutation spirituelle faisant de lui un fanatique de la consommation. La mécanique productiviste et consumériste ne traduit-elle pas une vision simplement matérialiste du vivre ? Ne contribue-t-elle pas à pervertir la liberté humaine ? N’est-elle pas un facteur de déséquilibre social et écologique ; un vecteur de corruption de l’éthique existentielle ? Les conceptions d’Emmanuel Levinas (1972) et de Luc Ferry (1996) de la transcendance incarnent des vertus pédagogiques dignes de révolutionner les mentalités actuelles vouées au culte du matérialisme. Organisée à partir d’une exploitation documentaire, la réflexion sera une analyse critique du consumérisme, avant d’être un plaidoyer en faveur de l’idée de transcendance telle que promue par Levinas et Ferry. Enfin, elle mettra en évidence la contribution du fait éducatif pour une reforme des mentalités.

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Quelle alternative philosophique et éducative au consumérisme contemporain ?

Etienne Kola*

 

Source: Éducation et socialisation [En ligne], 52 | 2019, mis en ligne le 20 juin 2019. (URL : http://journals.openedition.org/edso/6250 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.6250.) La revue est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.

Mots-clés : ConsumérismeÉconomieÉducationMarchéTranscendance.

*Maître assistant, Université Norbert Zongo, BP 376 Koudougou, Burkina Faso.

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Plan

Introduction

Concepts et écueils de l’économie de marché, logique consumériste et aliénation

L’apport de la rationalité philosophique à une redéfinition des valeurs

L’apport de la praxis éducative à une subjectivité transcendante

Conclusion

 

Introduction

1 Si le bonheur est supposé être la fin des affaires humaines1, l’on ne cesse cependant de s’interroger sur le sens de la marche de l’histoire. Les paradigmes qui sous-tendent le fonctionnement du monde contemporain sont précisément ceux qui déterminent l’essence de l’agir de l’homme actuel. L’un de ces paradigmes serait l’économie de marché qui semble désormais faire figure d’idole. Le capitalisme, doctrine dominante dans la sphère économique, contribue à entretenir le mythe et le culte du pouvoir par l’aristocratie de l’avoir2. Il a aussi contribué à engendrer l’économie de marché qui est parvenue à coloniser les esprits, à en imposer sa loi et à présider aux destinées de l’humanité présente. Que renferme alors le paradigme capitaliste et quel regard critique peut-on en avoir ? Une des conséquences de la mécanique productiviste se trouve être dans la capacité de la pensée capitaliste à soumettre le citoyen à la servitude de la consommation, du matériel et à installer en lui une psychologie de dépendance. La référence et la révérence à l’avoir semblent alors ne trouver d’explication que dans cette volonté humaine à faire le maximum de profit par l’aiguisement de l’esprit de consommation des biens et des services. Mais en quoi le consumérisme3 se révèle-t-il profondément problématique et quel pourrait en être le remède ? Une humanité calibrée pour l’achat et la consommation ne serait-elle pas source d’instabilité personnelle, de déséquilibre social et d’épuisement des ressources naturelles non infinies ? Comment assurer une reforme conséquente de l’agir humain contemporain ?

2 La présente réflexion se veut une contribution théorique basée sur l’exploitation critique des données essentiellement documentaires. Elle se conduira en trois parties. La première exposera les concepts et les écueils de l’économie de marché, tout en faisant une analyse critique de la mécanique consumériste avec les conséquences qui s’y associent. La deuxième partie sera consacrée à l’apport de la rationalité philosophique en vue d’une redéfinition du sens. La dernière mettra en évidence la praxis éducative comme excellent moyen de réhabilitation de la subjectivité humaine.

 

Concepts et écueils de l’économie de marché, logique consumériste et aliénation

3 L’économie mondiale qui se mondialise a pour étoffe doctrinale le capitalisme qui fait de la production marchande son credo. Parce qu’il est le plus grand créateur de richesse de l’histoire4, le capitalisme industriel qui a pour support théorique l’économie de marché survit aux mutations sociopolitique et technologique du monde. Il a pu conquérir en quelques décennies tous les continents au point de s’imposer, même aux pays comme la Chine ou la Russie qui l’ont combattu. Historiquement dépendantes de l’occident, les économies africaines sont plus ou moins soumises à l’orthodoxie du marché.

4 La rationalité capitaliste a un lien avec le libéralisme. Ce sont deux doctrines si proches au point qu’on considère que le capitalisme est le compagnon de route du libéralisme5. En effet, si le capitalisme est un système économique basé sur le principe selon lequel ce sont les acteurs privés qui possèdent, contrôlent les biens et recherchent légitiment le profit, de même, le libéralisme économique repose sur la notion de quête de profit et d’intérêt personnels à l’intérieur d’un espace concurrentiel libre. D’un coté comme de l’autre, la rationalité du profit est perçue comme le moteur du progrès. Au 18ème siècle, le libéralisme a d’abord eu une connotation politique. Par exemple, se proclamer libéral au temps des constitutionnalistes espagnoles fut la traduction d’un vif désir de mettre fin à l’absolutisme6. Mais la résonnance contemporaine de cette doctrine a une connotation économique qui désigne la liberté d’entreprendre. Au sens de Maurice Flamant, l’affinité entre libéralisme et capitalisme est d’autant indéniable que la liberté politique sans libertés économiques conduirait le capitalisme à l’inefficacité, ce qui à long terme compromettrait la démocratie. A l’inverse, un monde de libertés économiques exempt de libertés politiques se révèlera instable7. Les doctrines capitaliste et libérale qui ont leurs concepts caractéristiques ont aussi leurs écueils intrinsèques qui suscitent des questionnements. L’un des déterminants du capitalisme demeure la rationalité fondée sur l’intérêt personnel8 dont l’aiguisement excessif peut se révéler préoccupant d’un point de vue éthique.

5 Le capitalisme, c’est aussi le productivisme9, la compétitivité, la concurrence et le rendement en vue de satisfaire les innombrables besoins de la société de consommation. L’exploitation massive des ressources de la nature est le fait de l’industrialisation soutenue que les conférences sur le climat (COP 21, 22, 23) tentent de règlementer. La productivité et le rendement ne sauraient sans conséquences être érigés en étalon du comportement humain. Le principe productiviste en appelle un autre qui se cristallise dans la notion de marché10. Par son dynamisme intrinsèque, la loi du marché fait du monde un vaste village commercial où de multiples acteurs interagissent pour faire du profit. On peut convenir avec Pascal Bruckner que le marché ne s’humanise que pour investir les nouvelles régions de l’être, le psychisme et l’intimité de l’homme11. Cette idée est d’autant pertinente que le citoyen actuel, d’où qu’il se trouve, est grandement influencé, voire manipulé par l’offensive médiatique qui l’incite à l’achat.

6 Aussi, le capitalisme fait de l’économisme12 une référence théorique majeure. Le paradigme économiste repose sur l’idée que la structure économique est le thermostat de la vie sociale. Disons avec Gilbert Hottois que la mentalité économiste consacre l’excellence de la vie économique en tant qu’elle détermine le reste et la culture en général13. Le primat de l’économique dans la balance des vies et du fonctionnement des sociétés modernes se révèle pourtant problématique en ce que la réalité humaine ne saurait se bâtir sur l’étoffe exclusive de l’intérêt. Dans ce sens Joseph Stiglitz remet en cause la propension au raisonnement singulièrement financier qui ne fait qu’accentuer le triomphe de la cupidité14. Pourtant tout semble laisser croire que de nos jours le mercantilisme est en passe de l’emporter et d’assujettir l’individu contemporain au gain immédiat, de sorte que certaines valeurs comme le juste, le vrai, le beau, le bien soient désormais évaluées à l’aune du principe d’équivalence monétaire. C’est pourquoi aux yeux de Jean-Francois Lyotard, l’idée de progrès dans son ensemble a été pervertie et a perdu son fond moral de l’époque des Lumières où le héros du savoir œuvrait à une bonne fin éthico-politique et à la paix universelle15. L’instabilité et les risques associés à la mondialisation rendent problématique le paradigme de l’économie de marché qui, en définitive, alterne espoir et désillusion. En somme, l’idéologie du progrès avec ses composantes technoscientifique et économique aurait pu combler le rêve de l’humanité ; celui de réaliser un eudémonisme universel si elle parvenait à extirper ses tares intrinsèques. Edmond Husserl évoque-t-il autre chose quand il parle d’une transmutation chaotique des succès théoriques et pratiques de la civilisation actuelle en détresse ?16 Le consumérisme fait partie intégrante de ces écueils.

7 Le consumérisme est l’une des signatures de notre temps. Il désigne le principe qui consacre la consommation comme catégorie constitutive du marché. Selon Geoffrey Pleyers (2011), la consommation est perçue de nos jours comme le signe évident d’un succès économique qui, souvent devient le critère central de l’évaluation du succès personnel. Aussi est-elle devenue un espace d’expression de soi, de construction de sa personnalité et un vaste champ de l’exercice de la liberté de choix17. C’est dans ces conditions que le consumérisme est parvenu à épouser la structure psychique de l’homme actuel au point d’en constituer un prolongement mental. Il est à la fois la construction, la résultante de l’intelligence et du fonctionnement du marché. La consommation comme processus dominant dans l’économie de marché interpelle pourtant la conscience universelle quant à ce qu’on pourrait appeler son fort potentiel d’addiction. Qu’en est-il exactement ?

8 Ivan Illich qualifie l’homme moderne « d’intoxiqué nécessiteux » car, en l’espace d’une génération, l’homme besogneux, l’homo miserabilis est devenu la norme18. Il est convaincu que le phénomène humain le plus contemporain ne se définit plus par l’être de l’homme mais par la mesure de ce dont il manque, c’est-à-dire ce dont il a besoin. Ce qui peut se révéler problématique est que le besoin de l’homme actuel n’a rien de commun avec les besoins humains ordinaires. Il correspond à de nouvelles faims et à une soif artificielle inventées et entretenues par les rouages de l’économie de marché. La réalité humaine impose à chaque personne des besoins naturels comme vivre, boire, manger, se vêtir, l’estime de soi et être aimé. Mais cette propension du genre humain à satisfaire ces impératifs biologiques et existentiels subit une forte altération du fait de l’offensive du marché soutenue par la puissance des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’idée d’altération tient au fait que la structure mentale de l’homme actuel est frontalement livrée aux assauts quotidiens de la loi du marché qui ne sait que faire du business et qui exacerbe la définition de l’humain comme être essentiellement désirant19.

9 La psychologie hédoniste métastasée dans les faits et gestes au quotidien impose désormais à l’individu actuel la passion du plaisir et du désir. Ainsi, produire le maximum de marchandises, en vendre le maximum au maximum de personnes pour assouvir leur soif de possession, tel est l’enjeu central de l’économie de marché. François Gauthier(2014) parle d’une impulsion de la production, d’une légitimation de la satisfaction de désirs sans cesse renouvelés ; le tout suscité par la consommation20. Cette mécanique « commercialiste » qui n’a d’autre valeur que celle du profit, qui n’a d’autre éthique que celle de la rente est sans état d’âme en ce que le capital financier occulte de plus en plus le capital humain21. C’est pourquoi l’homme se révèle désormais être un instrument de la consommation et vulnérable aux jeux des manipulations. Sinon, comment comprendre cette frénésie de l’achat et cette dépendance de plus en plus irrésistibles vis-à-vis des nouveaux produits qui ne cessent de croître et dont la finalité est de servir la boulimie humaine ? L’excès des plaisirs, prévint Jean-Jacques Rousseau, est la mort du plaisir22. Si la philosophie utilitariste23 soutient que la seule chose désirable comme fin est le bonheur, c’est-à-dire le plaisir et l’absence de douleur, elle précise en même temps que le plaisir est sélectif. John Stuart Mill souligne, en effet, que la plupart des auteurs utilitaristes affichent une préférence pour les plaisirs de l’esprit par rapport à ceux du corps en ce que les premiers sont plus stables24 et plus nobles.

10 Même sur le plan culturel, la logique du marketing a su imposer sa marque en consacrant l’idée de culture de masse qui n’a pour résultante que la perversion de l’acte créatif : « Il ne s’agit alors plus d’un consumérisme « face » à la création, mais d’un consumérisme agissant contre toute créativité »25, dit-on. Aux yeux d’Hannah Arendt, la crise de la culture n’a d’autre racine que cette tendance à la soumettre à la loi du marché en vue d’une consommation de masse. La culture de masse est un produit de la société de masse qui a pour traits distinctifs son assujettissement à une psychologie collective, son excitabilité, son manque de critère, son aptitude à la consommation accompagnée de son incapacité à juger et sa propension à s’aliéner26. Selon cette philosophe, la culture n’est plus rien d’autre qu’une marchandise sociale qui se prête à l’achat. Elle déplore le fait qu’au nom des visées mercantiles les richesses culturelles des sociétés actuelles en viennent à subir des modifications : elles sont réécrites, condensées, digérées, réduites à l’état de pacotille pour la vente27. L’économie de marché, énorme machine de fétichisation de la marchandise28 n’est en réalité qu’un système de production des biens sans autre finalité. L’idée de fétichisme de la marchandise est aussi celle de Karl Marx pour qui la société capitaliste, loin d’être rationnelle, développe une forme de mysticisme généralisé par lequel la matérialité même des produits du travail humain désignerait « magiquement » une certaine valeur idéale et suprasensible. Cette offensive crée une forme d’addiction de l’individu faisant de lui l’esclave du neuf et celui de l’achat. La marchandisation accrue des activités humaines ainsi que l’inféodation de l’individu au diktat du marché ont vocation à réduire chaque personne à la seule dimension économique pour en faire un être unidimensionnel29, un être qui selon Herbert Marcuse n’a pour seul statut ontologique que celui du consommateur.

11 De plus en plus, cette frénésie de l’achat-vente qui caractérise la civilisation occidentale se révèle problématique. Mais il n’y a pas que l’occident, c’est toute l’humanité actuelle qui devient boulimique de la consommation. L’insatisfaction de l’individu actuel quant à ses besoins artificiellement créés entretient son sentiment de mécontentement général et participe au dessèchement de son existence. C’est pourquoi, même au sein de l’opulence, les personnes nourrissent toujours les mêmes antiques peurs et se livrent aux mêmes questionnements existentiels sur le devenir. Sacrifier l’existence humaine à la téléologie au nom de laquelle le destin humain est voué à la consommation est un leurre. Faut-il alors désespérer ? L’espoir est d’autant permis que les écueils de l’économie de marché sont circonscrits et peuvent être maitrisés, pour peu que la prise de conscience soit accompagnée d’un agir conséquent. C’est dans ce sens que le concours de certaines idées philosophiques, notamment celles soutenues par Emmanuel Levinas(1972) et de Luc Ferry(1996) peut se révéler bénéfique.

 

L’apport de la rationalité philosophique à une redéfinition des valeurs

12 De façon générique, la philosophie se définit comme une réflexion critique sur l’homme et le monde. Aussi est-elle une pensée normative en ce qu’elle incarne dans ses fondements dialectiques une vocation pédagogique. La quête du sens dans la pensée et dans l’agir humains, la réflexion sur le devenir du monde et de l’humanité relèvent de ses finalités. C’est conscient de la valeur intrinsèque de cette pensée qu’Épicure suggère à chacun de ne guère remettre la philosophie à plus tard qu’on soit jeune ou vieux30. Mais qu’est-ce que cette pensée peut revêtir de profitable vis-à-vis de ce qu’on pourrait appeler le péril consumériste et matérialiste ?

13 Si l’humanité est désormais condamnée à vivre dans une pluralité de valeurs, c’est parce que l’économie de marché a su créer un compendium de besoins qui se sont transmutés au fil du temps en valeurs plus ou moins artificielles, voire frelatées. Henri Bergson n’a-t-il pas raison d’affirmer que nous vivons pour le monde extérieur et que nous sommes agis plus que nous n’agissions nous-mêmes ?31 L’amour de la sagesse incarnée dans l’étonnement philosophique, magnifié dans la tradition socratique et perpétué de nos jours peut-il se satisfaire d’une humanité vicieusement boulimique du matériel ? Si c’est le sens qui doit précéder les données pour les éclairer32, c’est bien la lanterne philosophique qui est indiquée pour éclairer ce qu’il convient d’appeler le nouvel obscurantisme humain. Sinon quel message peut-on adresser à une personne obnubilée par l’appétence du lucre ? S’il est difficile de se mettre d’accord sur une définition de la philosophie, il est incontestable que depuis toujours elle se propose d’amener l’homme à se comprendre, à appréhender sa destination dans le monde33. C’est d’ailleurs dans cette veine pédagogique qu’il convient de comprendre cette pensée d’Edmond Husserl : « La philosophie a bien une mission proprement éducative, renouant une nouvelle fois avec l’idéal grec de la paideia, développé notamment dans la République »34. Mais à quoi peut-on précisément se référer ?

14 Il est possible de trouver la clé du problème humain actuel dans la notion de transcendance telle que promue par Emmanuel Levinas. D’une manière générale, la philosophie occidentale se trouve être cristallisée dans l’idée du sujet rationnel, libre et doté d’une capacité infinie d’organisation et de maîtrise des phénomènes naturels à son propre profit. Et la réalité d’une subjectivité consciente d’elle-même et du monde s’est concrétisée dans le « je pense, donc je suis » perçu par Descartes lui-même comme principe premier de la philosophie35. Sur le plan cognitif, c’est bien le sujet pensant qui instaure au sein des phénomènes sa transcendance par sa capacité à organiser la matière selon ses objectifs. La raison est ainsi contrôle et vigilance. Et c’est par là, estime Luc Ferry, que le scientisme est parvenu à devenir l’équivalent laïc des religions défuntes36.

15 En somme, la raison symbolise l’universalité de notre humanité, consacre la souveraineté de l’esprit ainsi que l’émergence de chaque personne perçue comme être cognitif aux aspirations hégémoniques sans cesse renouvelées. Elle incarne ainsi la transcendance qui devient la structure intime de la subjectivité humaine. C’est pourtant cette forme de transcendance c’est-à-dire cette manière suffisante du sujet humain de s’affirmer qu’Emmanuel Levinas met en cause. Une telle orientation serait source de « leadership » égocentrique, c’est-à-dire de présomption de l’homme s’affirmant comme être absolu, voulant tout pour lui, maître de lui-même et de l’univers37. À ses yeux, une telle posture épistémologique est typique d’une conception dominante selon laquelle la pensée est fondamentalement savoir, c’est-à-dire intentionnalité, volonté de représentation, voire de puissance.

16 C’est cette spécificité de la subjectivité fondée sur l’affirmation de soi, la liberté infinie et l’autonomie radicale qui caractérise l’individu actuel que remet en cause Emmanuel Levinas. Il estime en effet que le « je suis » du cogito est le symbole même de l’individu complaisant à soi et égocentriquement persévérant dans son être. Toute chose qui traduit l’ipséité de l’homme libre et l’idéal de l’individu satisfait à qui tout le possible est permis38. L’opinion de Levinas est que l’apogée du « je » comme identité inconditionnelle peut s’avouer haïssable. En d’autres termes, la culture du « moi-maître» qui est celle de l’individualisme étroit et de l’égocentrisme forcené est source d’une crise même de l’être de l’étant dans l’humain39. Cela pourrait en partie expliquer les dérives matérialistes et libertaires actuelles dont le consumérisme servile est l’une des tentacules. Si l’homme n’est que ce qu’il connaît40, c’est qu’il ne peut a priori franchir les bornes que lui assigne sa structure cognitive. Or qu’est-ce qui semble meubler l’esprit de l’homme actuel en dehors de cette soif de possession du savoir, de l’avoir, du pouvoir et des plaisirs ? L’individualisme excessif pour Emmanuel Mounier est d’abord une décadence de l’individu avant d’être son isolement41. Il y voit une certaine tare qui a avili les hommes dans la mesure où il les a isolés. Quant à Lissa Giuseppe, le sujet moderne vit dans la suffisance qui n’est autre chose que de la contraction de l’égo. Elle estime à la suite de Levinas que la suffisance du jouir scande l’égoïsme ou l’ipséité de « l’Ego » et du « Même »42. Si l’homme est perçu comme un être ontologiquement social, c’est qu’il y a une nécessité de raviver le sens de l’altérité des personnes afin que les communautés humaines ne soient pas faites de pures individualités qui se concurrencent sans fin.

17 L’idéal de transcendance que propose Emmanuel Levinas est celle éthique qui invite chaque personne à surmonter son égo et à aller vers autrui dans un esprit d’amitié et de sollicitude. Il réhabilite ainsi une altérité qui est aux antipodes des reflexes solipsiste et autarcique. Levinas est convaincu que « l’homme est capable de dégrisement, de dés-inter-essement et de vigilance en face de son prochain absolument autre. Vigilance qui n’est pas celle d’un regard mais d’une responsabilité qui, de moi à l’autre, est transcendance dans laquelle l’altérité, irréductible, me concerne »43. Sans tomber dans l’écueil du collectivisme (sentiment grégaire qui étouffe toute initiative personnelle) et du solidarisme (l’entraide comme contrainte imprescriptible dans les relations humaines), l’humanité actuelle grandirait en étant moins individualiste et en adoptant le sens du respect et de la sollicitude vis-à-vis de l’autre comme principe du vivre-ensemble. Cela est d’autant essentiel pour Levinas qu’il établit une antériorité éthique de la responsabilité pour autrui sans référence au « moi » assuré de son droit44. Il s’agit en somme d’un rappel à l’homme contemporain concernant la nécessité de se forger un squelette moral moins centré sur lui mais plus tourné vers l’autre. Pour Raluca Bãdoi, la pensée d’Emmanuel Levinas est en réalité un refus de l’enfermement doctrinal et idéologique. Elle se veut une affirmation de l’éthique perçue comme la philosophie première. Selon lui, penser l’altérité au sens de Levinas, c’est : « se plonger sur la responsabilité humaine. Et penser la responsabilité c’est méditer sur notre pensée historique, faire un voyage dans le temps et se souvenir les désastres des vies détruites au nome de causes barbares. La guerre, le jeu des forces en lutte les uns contres les autres, la fuite vers et pour le pouvoir, le désir de domination et la servitude nous obligent souvent à un retour à la morale »45. La transcendance dans la perspective Levinasienne est donc celle de la socialité qui exige de chaque individu le refus de céder aux caprices d’un « Moi-maître » au desideratum fluctuant et insatiable. En d’autres mots, Levinas soutient l’idéal d’une responsabilité intégrale et inconditionnelle afin que chacun comprenne que « son moi a toujours une responsabilité de plus que tous les autres »46. C’est du reste ce que reconnaît Gilles Leroy dans un commentaire sur Levinas. Il estime que selon cet humaniste moderne, le visage de tout être humain a la particularité d’en appeler à la sollicitude de chacun, à la profondeur de ses sentiments et à l’immanence de sa moralité47.

18 Luc Ferry est aussi perçu comme celui qui s’est de près intéressé à la notion de transcendance dans une perspective d’humanisation de la civilisation matérialiste. Aussi met-il en cause l’idéologie de la modernité qui consacre une anthropologie égocentrique avec pour support spirituel le culte de l’individu-roi. Toute chose qui expose les personnes à la précarité éthique et rend problématique l’existence et l’autorité des valeurs. Il estime que l’humanité actuelle est brutalement confrontée à la question du sens ou, plutôt, à son éclipse dans le monde laïcisé48. Après avoir souligné le triomphe des valeurs des Lumières, valeurs laïques démocratiques sur le cléricalisme, Luc Ferry parle désormais de crépuscule du devoir (patriotisme républicain, rigorisme kantien) dans la deuxième moitié du 20ème siècle. C’est selon lui l’ère de l’après devoir dans laquelle le « il faut » a cédé le pas à l’incantation du bonheur, l’obligation catégorique à la stimulation des sens, c’est-à-dire stimulation des désirs immédiats, passion de l’égo, bonheur intimiste et matérialiste49. Il parle non seulement du cycle de la consommation50 comme recours de l’homme moderne à la recherche de soi, mais aussi de la permanence d’un sentiment du vide qui s’associe au monde laïciste. Si les rapports humains ne sont que commerciaux, l’humanité ne se peuple que d’acteurs économiques vendant et achetant au mépris du reste des valeurs. C’est pourquoi comme Levinas, Ferry relève non sans regret l’évanouissement du rapport au sens. La seule transcendance qui subsiste n’étant que le soi à soi, c’est-à-dire une transcendance circonscrite dans la sphère de l’immanence à l’égo individuel51. Pour Jean-Louis Servan-Schreiber, Luc Ferry évoque l’usage que chacun pourrait faire de certaines sagesses philosophiques pour mieux vivre de nos jours ; afin que la vie bonne ne soit plus perçue sous le seul angle de la réussite sociale, mais qu’elle s’ancre dans une vie accomplie, c’est-à-dire qui a du sens52. Karine Delage ne tient pas un autre langage dans sa démarche de réhabilitation de la transcendance au sein d’un monde voué au culte postmoderne : « En dépit de la tendance qui proclame la disparition de la transcendance avec le paradigme de la (post)modernité, voire son abolition, force est d’admettre que l’absence de rapport à la transcendance paraît davantage incongrue à l’échelle de l’histoire humaine »53.

19 La situation est d’autant plus préoccupante que Ferry propose une issue d’urgence fondée sur l’idée d’un humanisme transcendantal qui pourvoira à l’homme contemporain l’aptitude à s’élever au-delà des déterminations« ontiques » et« extra-mondaines » pour pénétrer le sacré de la vie et la dignité de l’existence avec la pensée54. L’approche par la transcendance est celle d’une démarche qui vise l’éveil du sens du divin en l’homme. Cependant, il s’agit d’une transcendance dans l’’immanence55, c’est-à-dire celle qui remplace les transcendances verticales (valeurs imposées du dehors au moyen des dogmes) par une transcendance horizontale (suscitée par une conscience aiguée de la sacralité de l’autre). Il s’agit par exemple pour Ferry de susciter l’amour véritable qui est d’un ressort divin et qui est susceptible d’illuminer l’existence de l’homme actuel. Sa conviction est que l’amour du prochain est par excellence le sentiment qui donne un souffle et une âme à la structure personnelle du sens56. Ce sentiment qui ne saurait nous être imposé a la vertu de nous faire transcender notre individualisme égoïste pour découvrir ce qu’il y a d’authentiquement humain et de respectable chez l’autre. Interprétant la pensée de Ferry, Marcel Neusch y voit l’apparition d’un nouvel humanisme qui promeut non seulement une morale de l’authenticité en l’homme moderne, mais aussi celle des nouveaux visages de l’amour avec à la clé une mise en valeur de la réciprocité57. Il croit que l’humanisme ferryen s’enracine dans l’idée que la capacité de l’homme à se sacrifier demeure intacte et que le sacrifice ne saurait désormais s’imposer du dehors mais devrait se consentir librement. D’autres valeurs qui incarnent l’universalité comme le contenu de la déclaration des droits de l’homme (l’égalité, la dignité humaine, la liberté, la tolérance) constituent aux yeux de Luc Ferry des références majeures pour l’humanité. À cela s’ajoute la notion de responsabilité vis-à-vis de soi et d’autrui. L’ambition qui s’associe à la pensée de Ferry est de conduire l’homme actuel à une transcendance radicale au regard des reflexes matérialistes58. Pour convertir tous ces idéaux en comportements humains pérennes dans le cadre de la vie contemporaine, il s’avère ultime de sortir du terrain de la réflexion philosophique pour aborder celui de l’action. Mais comment y parvenir ?

 

L’apport de la praxis éducative à une subjectivité transcendante

20 Il est improbable d’espérer des reformes humaines et sociales profondes sans le concours de la structure éducative. Aussi devient-il évident que le sens de l’humain, du devoir vis-à-vis de soi et d’autrui ainsi que le sens de la dignité humaine doivent être l’étoffe des contenus éducatifs des sociétés actuelles. Si l’éducation est un apprentissage du sens de l’humain et du vivre, il y a des tables de valeurs (le sens du devoir vis-à-vis d’autrui, le sens de la dignité humaine, de la responsabilité) à ériger en étalon de vie et nul n’ignore l’influence du fait éducatif sur la vie intellectuelle, morale et spirituelle. Sinon comment concilier le légitime besoin de l’homme à rechercher son bien-être, à s’auto-suffire sur tous les plans (corps, âme) et le nécessaire équilibre personnel, social et écologique ? S’il est évident que l’humanité doit faire face à ses propres responsabilités avec sagesse, une telle sagesse ne se décrète pas. Elle exige que chaque personne soit conséquemment équipée. Et c’est bien l’éducation en tant que nécessité humaine et sociale qui peut créer dans l’homme cet être nouveau59 fondé non sur la servitude du gain matériel, mais sur une discipline qui empêche chacun de se détourner de sa destination : celle de l’humanité60. L’impératif d’une humanisation de l’essence de l’agir du citoyen contemporain s’articule avec la nécessité d’une reforme de sa structure psychique. Une telle nécessité correspond à l’idée d’une libération des consciences dont l’enjeu est de convertir qualitativement les mauvaises habitudes individuelle et collective entretenues par le mode de fonctionnement moderne. Cela exige que l’éducation et la pédagogie soient non seulement mieux rationalisées, mais surtout suffisamment raisonnées, c’est-à-dire qu’elles s’instituent en définitive sur les fondements critiques d’une éthique du vivre.

21 En vue d’opérer un changement de mentalité, il y a nécessité pour les systèmes éducatifs modernes d’adopter de nouveaux paradigmes et de se montrer disposés à consentir de grands sacrifices pour leur matérialisation. Il s’agit de susciter chez les jeunes de nouvelles capacités humaines fondées sur le sens de la mesure dans les choix et dans les actes. Épicure n’avait-il pas souligné la nécessité d’un plaisir sélectif et d’une sagesse de la simplicité comme conditions d’une vie heureuse ?61 Ce message épicurien, bien que différent dans le contenu et dans le contexte, ne s’oppose pas aux idées de Lévinas et de Luc Ferry dont la mise en chantier exige des options courageuses comme la reforme des curricula éducatifs afin qu’ils soient l’expression formelle des deux visions de la transcendance : celle d’Emmanuel Levinas qui traduit la nécessité de sortir de l’égo personnel pour entretenir une altérité féconde et celle de Luc Ferry qui fera de chaque personne une entité porteuse de valeurs humaines non inféodées à la mécanique matérialiste. S’il est vrai que l’homme contemporain ne peut se soustraire aux acquis de la civilisation technoscientifique, il est bien possible de l’empêcher d’en être esclave grâce à la fibre éducative. Tout l’enjeu réside dans la capacité de chaque système éducatif actuel à matérialiser ces idées en contenus d’enseignement, à les intégrer dans les finalités et les programmes d’enseignement (au primaire et au secondaire) pour qu’en définitive elles soient traduites en attitudes et en aptitudes humaines constatables. En substance, il s’agit de concevoir des modules d’enseignement susceptibles d’inculquer à la jeunesse des valeurs nécessaires à l’équilibre personnel, à la cohésion sociale et à la discipline de l’esprit. Ces modules qui s’ajouteraient aux programmes classiques pourraient s’intituler : « Développement personnel » et « Initiation à la pensée philosophique ». Le premier intègrera des considérations à la fois psychoaffectives et socioéconomiques alors que le second sera une propédeutique à la réflexion critique et au sens des valeurs nobles.

22 Il est possible de puiser dans la sagesse antique les racines historiques du développement personnel à travers certaines affirmations socratiques comme « connais-toi toi-même », « prends soin de ton âme ». Sur le plan sociologique, la pratique du développement personnel semble prospérer dans les classes aisées où l’opulence n’engendre souvent pas le bonheur souhaité et où les individus ont soif d’équilibre personnel. De ce fait, on peut faire le constat que cette pratique est un luxe dans les milieux défavorisés. Mais il convient de se poser cette question : une société peut-elle se perpétuer harmonieusement si une partie d’elle-même se désespère ? L’introduction de l’enseignement du développement personnel à l’école publique aurait le mérite d’inculquer les rudiments d’une existence équilibrée, au-delà des considérations matérialistes. Il s’agit en clair d’éveiller en chacun le sens de l’essentiel, de la mesure, de l’altérité et du bonheur responsable au travers des contenus didactiques et pédagogiques bien pensés. Les ingrédients d’une éducation au développement personnel pourraient se résumer en un apprentissage des principes d’une résilience à l’érosion de la personnalité (aptitude à se rassembler en un moi unitaire, nonobstant les influences multiples). Cela correspond à l’idée de Franck Jaotombo d’une nécessité de l’actualisation de soi62, c’est-à-dire d’une maîtrise et d’un contrôle de soi en permanence. Vient ensuite l’éducation à une perception adéquate de la réalité, à une maîtrise de l’environnement sociale, environnementale et culturelle. Enfin il y a l’enseignement des principes d’une humanisation du rapport au matériel et à autrui, d’une culture du sens de l’autonomie et de la responsabilité. Il s’agit en somme d’affranchir l’individu actuel de la pesanteur de l’esprit matérialiste qui asservit. De toute évidence la conversation des mentalités ne va pas de soi et aucune recette n’est en soi une panacée. Néanmoins s’efforcer d’intégrer les paramètres du développement personnel dans l’action éducative contemporaine contribuerait un tant soi peu à préparer la jeunesse à se centrer sur les valeurs essentielles du vivre et du bien-être raisonnable. Toute chose qui prépare à une vie transcendante dont la vertu est de susciter des sentiments supérieurs.

23 Quant à la perspective de généralisation de l’initiation à la pensée philosophique par le fait éducatif, elle repose sur l’argumentaire qui fait de la philosophie un remède à l’irrationnel et à l’arbitraire. Parce qu’elle est « amour de la sagesse », parce qu’elle incarne la rationalité critique et demeure une pédagogie de l’humain, une initiation à la rationalité philosophique pourrait contribuer efficacement à préparer chaque enfant à sortir de ses inhibitions et de ses illusions en le qualifiant sur le double plan cognitif et éthique. En bref, la philosophie a l’avantage d’introduire l’humain dans les sphères supérieures de l’esprit, le libérant ainsi de la dictature de l’immédiateté. C’est conscient de cela que Matthew Lipman évoque les vertus de l’enseignement de la philosophie aux enfants dès le bas âge. Il fait de cette discipline une pensée fondamentale et fondatrice propre à apporter une réponse qualitative aux faims humaines et à structurer qualitativement l’être personnel et social63. La rationalité philosophique a ses déterminants qui font d’elle une pensée critique, une pensée de l’universel et une éthique du débat susceptible d’impulser une altérité féconde. En outre l’heuristique philosophique, c’est la quête perpétuelle du vrai, du juste, du beau, du bien. Faire une immersion dans l’esprit philosophique dès l’enfance par le truchement d’une pédagogie appropriée pourrait soustraire le futur adulte à l’irrationnel et à l’égoïsme, tout en l’outillant pour une vie du sens. Il s’agit de l’aider à mieux s’approprier son être et à opérer des choix lucides par rapport au mode de vie. La philosophie pour enfants a ses défenseurs dans le monde : Matthew Lipman aux Etats unis, Marie France Daniel et Michel Sasseville au Canada, Oscar Brenifier et Isabelle Million en France, etc. Le sujet est d’autant plus sérieux que l’UNESCO a invité des spécialistes dont Oscar Brenifier à publier un ouvrage en 2007, sur la question, dont le titre est « La philosophie, une école de vie ».

24 Au-delà des disparités des approches, l’initiation à la pensée philosophique dans l’enseignement primaire repose sur des constantes communes telles que l’organisation des élèves en communautés recherche philosophique, l’utilisation des supports (textes) comme base de la recherche. La valeur intrinsèque de la méthode de la philosophie pour enfants réside dans sa capacité à aiguiser l’esprit critique et le sens de l’autonomie des enfants, à renforcer leur jugement, à les exercer à la conceptualisation, à leur enseigner l’éthique de la discussion, le respect de soi et de l’autre, à les mobiliser autour des valeurs humaines et sociales saines. Tout cela, nous semble-t-il, pourrait préparer l’enfant à une vie de transcendance telle que souhaitée par Emmanuel Levinas et Luc Ferry. Subjugué par cette méthode, Pascal Colet conclut qu’elle n’est rien d’autre qu’un excellent moyen d’apprentissage du civisme et d’assainissement du raisonnement64.

25 Somme toute, la prise en compte du paradigme du développement personnel et de l’initiation aux valeurs philosophiques en bas âge dans les processus éducatifs contemporains peut s’avérer utile pour bâtir en chacun une subjectivité transcendante et résiliente.

 

Conclusion

26 L’hypothèse d’une humanité autorégénérative et évoluant vers une félicité universelle devient de plus en plus hypothétique. Si l’homo oeconomicus continue de triompher en l’homme et si les termes de toute équation existentielle ne doivent désormais s’interpréter qu’en termes d’espèces sonnantes, comment espérer accroître le solde moral de notre civilisation ? Les rouages de l’économie de marché s’articulent avec la mécanique productiviste impliquant la consommation de masse qui va avec de nouvelles formes d’aliénation ou d’esclavage humain.

27 L’hyper-consumérisme est de plus en plus suspecté parce que ses conséquences sur le plan humain, social et écologique commencent à devenir pesantes. Parce que les revers actuels tiennent aux illusions d’un « moi-roi » qui s’attache à ses avoirs, à ses pouvoirs et à ses fantasmes, la notion de transcendance promue dans les philosophies d’Emmanuel Levinas et de Luc Ferry constitue une véritable source de transformation humaine et sociale positive. Parce que le contenu de cette vision de la transcendance a une densité éthique indéniable, le convertir en savoirs didactiques exploitables par l’ingénierie éducative sera d’une grande portée humaine et sociale.

 

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Notes

1 Aristote, (1990). Les politiques. Paris, Flammarion, p. 505.

2 Nietzsche, F, (1995). Humain, trop humain. Paris, UGE, p. 310.

3 Notion polysémique car s’appliquant à plusieurs domaines, le consumérisme se conçoit génériquement comme mouvement qui a pour objet de donner aux consommateurs un rôle prédominant et actif sur les plans économique, social, culturel, etc. Aussi fait-il de la défense du consommateur sa raison d’être.

4 Bruckner, P. (2002). Misère de la prospérité, la religion marchande et ses ennemis. Paris, Grasset et Fasquelle. p. 109.

5 Groyer, S. (2015). Capitalisme et économie de marché. PDF, Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne, p. 16, in https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01222227/document, consulté le 27 janvier 2018.

6 Flamant, M. (1988). Histoire du libéralisme. Paris, PUF. p. 5.

7 Op. cit. p. 128.

8 Op.cit. p. 47.

9 Gouverneur, J.(2005). Les fondements de l’économie capitaliste, introduction à l’analyse économique marxiste du capitalisme contemporain. PDF, pp. 10-11, in http://hussonet.free.fr/jgfond5.pdf, consulté le 27 janvier 2018.

10 Jahan, S., Mahmud, A. S. (2015). Qu’est-ce que le capitalisme ?, PDF, p. 1, in https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2015/06/pdf/basics.pdf, consulté le 27 janvier 2018.

11 Bruckner, P. (2002). Misère de la prospérité, la religion marchande et ses ennemis. Paris, Grasset et Fasquelle. p. 200.

12 L’économisme est une consécration, voire une sacralisation de la rationalité économique. Toute chose qui conduit à réduire la pensée, la politique ou l’action à leur dimension économique.

13 Hottois, G. (2002). De la renaissance à la postmodernité, une histoire de la philosophie moderne et contemporaine. Bruxelles, De Boeck et Larcier. p. 183.

14 Stiglitz, J, E. (2010). Le triomphe de la cupidité. Traduit de l’américain par Paul Chamla, Paris, Les liens qui libèrent. p. 9.

15 Lyotard, J, F. (1979). La condition postmoderne. Paris, Les Editions de Minuit, p. 7.

16 Husserl, E. (1992). La crise de l’humanité européenne et la philosophie. (traduit et annoté par Natalie Depraz), Paris : Hatier. p. 72.

17 Pleyers,G.,sous la dir. (2011). La consommation critique. PDF, p. 17, in https://cdn.uclouvain.be/public/Exports %20reddot/cr-cridis/documents/Consommation_critique_ch_1.pdf, consulté le 27 janvier 2018.

18 Illich, I. (2004). La perte des sens. Paris, Fayard. 74.

19 Bruckner, P.( 2002). Misère de la prospérité, la religion marchande et ses ennemis. Paris, Grasset et Fasquelle. p. 168.

20 Gauthier, F. (2014). L’éthique romanesque et l’esprit du consumérisme. (Revue du MAUSS), 2014/2 n° 44, p. 57, in file :///C :/Users/HP/Downloads/RDM_044_0053.pdf, consulté le 27 janvier 2018.

21 Euzeby, C, et al. (2003). Mondialisation et régulation sociale. Paris, L’harmattan. p. 614.

22 Rousseau, J,J. (1969). Emile ou de l’éducation. Paris : Gallimard. p. 526.

23 Doctrine philosophique et éthique qui fonde la valeur d’une action d’après sa capacité à contribuer à l’utilité générale, c’est-à-dire au bien être du plus grand nombre. Jeremy Bentham (1748-1832) et John Stuart Mill (1806-1873) en sont ses principaux théoriciens.

24 Mill, J, S. (1988). L’utilitarisme. Paris, Flammarion. p. 51.

25 Bibliothèque nationale de France. (2014). La création artistique face au consumérisme culturel. Compte rendu, p. 1, in http://www.futurscomposes.com/FCNL/2014/NL22/files/cr-debat.pdf, consulté le 27 janvier 2017.

26 Arendt, H. (1972). La crise de la culture. Paris, Gallimard. p. 255.

27 Op.cit. p. 266.

28 Onfray, M. (2008). L’eudémonisme social. Paris, Grasset et Fasquelle. p. 9.

29 Euzeby, C, et al. (2003). Mondialisation et régulation sociale. Paris, L’harmattan. p. 614.

30 Épicure. (2011). Lettres, maximes et autres textes. Paris, Flammarion, p. 97.

31 Bergson, H. (2001). Essai sur les données immédiates de la conscience. 7ème éd , Paris, PUF.174.

32 Lévinas, E. (1972). Humanité de l’autre homme. Paris, Fata Morgana. p. 22.

33 Mahamadé, S. (2003). Philosophie et histoire. Paris, L’harmattan. p. 143.

34 Husserl, E. (1992). La crise de l’humanité européenne et la philosophie. (traduit et annoté par Natalie Depraz). Paris, Hatier. p. 44.

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38 Levinas, E. (1995). Altérité et transcendance. Paris, Fata Morgana, p. 37.

39 Levinas, E. (1995). Altérité et transcendance. Paris, Fata Morgana, p. 48.

40 Hegel. (2000). La raison dans l’histoire. Paris, Hatier, p. 14.

41 Mounier, E. (1995). Le personnalisme. Paris, PUF, p. 30.

42 Giuseppe, L. (2007). Emmanuel Levinas : pour une transcendance non idolâtrique. Pardès 2007/1 (N° 42), p. 108, in file :///C :/Users/HP/Downloads/PARDE_042_0095.pdf, consulté le 29 janvier 2018.

43 Levinas, E. (1995). Altérité et transcendance. Paris, Fata Morgana, p. 29.

44 Levinas, E. (1995). Altérité et transcendance. Paris, Fata Morgana, p. 51.

45 Raluca, B. (2008). Visage et transcendance. Essai sur l’altérité comme une contre-phénoménologie. PDF, p. 171, in http://sammelpunkt.philo.at:8080/2186/1/badoi.pdf, consulté le 29 janvier 2018.

46 Levinas, E. (1982). Ethique et infini. Paris, Fayard, p. 106.

47 Leroy, G. (2008). Autrui et son visage- l’approche d’Emmanuel Levinas. p. 1, in https://www.questionsenpartage.com/autrui-et-son-visage-lapproche-demmanuel-l %C3 %A9vinas, consulté le 29 janvier 2018.

48 Ferry, L. (1996). L’homme -Dieu ou le sens de la vie. Paris, Grasset, p. 11.

49 Ferry, L. (1996). L’homme -Dieu ou le sens de la vie. Paris, Grasset, p. 88.

50 Op.cit.p.15.

51 Ferry, L. (1996). L’homme -Dieu ou le sens de la vie. Paris, Grasset, p. 19.

52 Servan-Schreiber, J.L., Ferry L. (2002). Trouver un sens à sa vie. PDF, p. 1, in https://www.psychaanalyse.com/pdf/PHILO %20LUC %20FERRY %20TROUVER %20UN %20SENS %20A %20SA %20VIE %20( %205 %20pages %20- %20106 %20Ko).pdf, consulté le 29 janvier 2018.

53 Delage, K. (2012). Opérationnalisation de la notion de transcendance pour le langage visuel : des éléments conceptuels à l’analyse des images. mémoire de maîtrise, UQAM, p. 8, in http://www.archipel.uqam.ca/4620/1/M12419.pdf, consulté le 29 janvier 2018.

54 Ferry, L. (1996). L’homme -Dieu ou le sens de la vie. Paris, Grasset, p. 172.

55 Ferry, L. (2009). La transcendance dans l’immanence. n° 2, document vidéo, in http://www.dailymotion.com/video/x8v0p5, consulté le 29 janvier 2018.

56 Ferry, L. (1996). L’homme -Dieu ou le sens de la vie. Paris, Grasset, p. 180.

57 Neusch, N. (1997). Luc Ferry et l’émergence d’un nouvel humanisme sans Dieu. PDF, p. 341, in http://www.nrt.be/docs/articles/1997/119-3/335-Luc+Ferry+et+l%27%C3%A9mergence+d%27un+nouvel+humanisme+sans+Dieu.pdf, consulté le 29 janvier 2018.

58 Ferry, L. (1996). L’homme -Dieu ou le sens de la vie. Paris, Grasset, p. 174.

59 Durkheim, E. (1999). Education et sociologie. Paris, PUF, p. 52.

60 Kant, E. (1967). Réflexions sur l’éducation. Paris, Vrin, p. 95.

61 Épicure. (2011). Lettres, maximes et autres textes. Paris, Flammarion, pp 99-101.

62 Jaotombo, F. (2009). Vers une définition du développement personnel. Humanisme et entreprise, n° 294, in https://www.cairn.info/revue-humanisme-et-entreprise-2009-4-page-29.htm ?contenu =article, consulté le 28 novembre 2018.

63 Lipman, M.(1996). A l’école de la pensée. Bruxelles, De Boeck & Larcier S.A, p. 5.

64 Colet, P.(2003). La philosophie pour enfants, la méthode Lipman et son application au niveau post-obligatoire, p. 8, in https://core.ac.uk/download/pdf/43670193.pdf, consulté le 28 novembre 2018.

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Référence électronique

Etienne Kola, « Quelle alternative philosophique et éducative au consumérisme contemporain ? », Éducation et socialisation [En ligne], 52 | 2019, mis en ligne le 20 juin 2019, consulté le 04 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/edso/6250 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.6250

Auteur: Etienne Kola

La revue Éducation et socialisation est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.

 

 

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Etienne Kola,* « Quelle alternative philosophique et éducative au consumérisme contemporain ? »Éducation et socialisation [En ligne], 52 | 2019, mis en ligne le 20 juin 2019, consulté le 03 janvier 2022URL : http://journals.openedition.org/edso/6250.  ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.6250. La revue Éducation et socialisation est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.

* Maître assistant, Université Norbert Zongo, BP 376 Koudougou, Burkina Faso

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